Forces armées. L'effarant rapport
le télégramme du 16 avril 2009
Des militaires parfois pas assez entraînés, la moitié des avions indisponibles, des navires à bout de souffle, de nouveaux équipements qui tardent... et qui font exploser les crédits. C'est l'incroyable bilan dressé par un récent rapport parlementaire... passé presque inaperçu.
La France a-t-elle encore les moyens de jouer dans la cour des grands? Cette question, de plus en plus de parlementaires osent la poser ouvertement. Depuis des années, des rapports tirent la sonnette d'alarme: les forces armées sont sur la corde raide.
Plus d'un avion sur deux cloué au sol!
Exemple le plus criant avec l'aéromobilité, qui détermine la capacité de la France à projeter, puis à rendre mobiles, ses unités à l'étranger. Elle est «extrêmement critique», tranchent trois députés, la socialiste et Brestoise Patricia Adam, et deux UMP, Patrick Beaudouin et Yves Fromion. Selon leur rapport présenté en janvier dernier, «le déficit capacitaire est désormais incontournable.» Les armées vont manquer d'hélicoptères et d'avions de transport. La cause? «Dans leur immense majorité, les appareils actuellement en service sont en limite de capacité.» Trop vieux. Concrètement, pour respecter les règles de sécurité et faute, le plus souvent, de pièces de rechange, moins d'un avion sur deux (44%) était disponible en urgence (dans les six heures), entre mars2007 et février2008, selon un autre rapport remis en mai2008 par l'ex-sénateur UMP breton Yves Fréville (*). L'Armée de l'Air est ainsi actuellement incapable de remplir en totalité le contrat imposé par l'Etat: projeter une force de réaction immédiate de 2.200 personnes et de 3.400tonnes de matériel en trois jours et à 5.000km. Pas de problème majeur pour les hommes. En revanche, moins d'un tiers du matériel peut être acheminé. Des hommes oui, mais pas complètement équipés!
Les vieux Puma bientôt interdits de vol
Contrairement aux précédents rapports, celui remis par les députés Adam, Fromion et Beaudouin, balaie tous les domaines. Pour cela, il a passé au crible l'exécution de la précédente loi de programmation militaire (LPM 2003-2008). Et le bilan - aimablement qualifié de «pour le moins mitigé» par les trois députés - est tout simplement consternant. Les hélicoptères, par exemple. Seuls 4%, toutes armées confondues, sont récents. Les vieux Puma de l'Armée de Terre, indispensables pour transporter troupes et matériels (ils constituent les trois quarts de la flotte française des hélicos de transport), sont tellement obsolètes qu'ils ne seront plus autorisés, sauf opérations extérieures, à voler dans l'espace aérien international... dans moins d'un an! La faute à son remplaçant, le NH-90, dont les premiers exemplaires devraient être opérationnels avec cinq ans de retard, en 2012. «Au mieux, la flotte retrouvera la moitié de ses capacités à partir de 2015», déplore le rapport.
Marine: problèmes de moteur
Quant à la Marine, ce même rapport épingle la multiplication des aléas techniques sur les systèmes de propulsion des navires. «Cela a conduit à réaliser certaines missions avec des bâtiments dont les moteurs étaient dégradés, voire pour partie en panne.» Référence au sauvetage des otages du Ponant, il y a tout juste un an? Sur place, la frégate Surcouf avait été victime de problèmes de ligne d'arbre, la frégate Jean-Bart de problèmes de moteur. Un chaland de débarquement avait même coulé, sous le poids des équipements des commandos. Enfin, victime d'une panne moteur, l'avion de patrouille, qui supervisait l'interception des preneurs d'otages, avait dû atterrir en catastrophe au Yémen. Une heure plus tôt et toute l'opération, menée avec brio, capotait!
Pour une heure de vol 30 à 40 h de maintenance
Que dire des Super Frelon, ces hélicos dédiés au secours en haute mer, qui affichent plus de 40 ans de bons et loyaux services? Sur les sept basés à Lanvéoc-Poulmic (29), seul un était en mesure, en 2008, d'être déployé en toutes circonstances! Pour une heure de vol (10.000euros), comptez de 30h à 40h de maintenance... Son remplaçant? Le NH 90... Un Caracal de l'Armée de l'Air a spécialement dû être détaché en Bretagne pour pallier cette indisponibilité.
(*) En revanche, et c'est capital, sur les théâtres d'opérations extérieures, en2008 et2009, la disponibilité des matériels aériens est supérieure à 80%, et celle des matériels terrestres est supérieure à 90%; en Opex, tout marche